lundi 11 novembre 2013

Souvenirs de 1914 en 2014

Ce lundi 11 novembre 2013, vers midi, je suis installé à mon bureau, devant mon ordinateur, connecté à Twitter. On parle pas mal de la commémoration de la Première Guerre mondiale, dont nous allons célébrer le centenaire l'année prochaine. Je lis distraitement quelques tweets, mais me retrouve rapidement plongé dans le souvenir ; le souvenir de mon grand-père maternel, né en 1897 et mort en 1987, quand j'avais 13 ans. Je l'ai connu. Pas assez, pas autant que j'aurais voulu, mais je l'ai connu. Mon grand-père a fait la « guerre de 14 », comme on l'appelle souvent. Mon grand-père était un « poilu ». Je garde le souvenir d'un homme simple, bon, paisible, mais marqué à vie par cette indicible expérience de la « guerre de 14 ». Cette guerre a marqué l'histoire et la mémoire de ma famille. De mes grands-parents, de mes parents et finalement de moi-même.

C'est pourquoi je me suis lancé, sur Twitter, dans le récit des souvenirs que j'ai de mon grand-père en tant qu'ancien combattant de la Première Guerre mondiale. Des souvenirs très personnels, parfois intimement liés à ma propre enfance, des souvenirs souvent imprécis, parfois sans doute quelque peu déformés, mais des souvenirs qui constituent ce qu'il reste, un siècle après, de la guerre des tranchées dans la tête d'un homme qui vit en 2013, âgé de « seulement » 39 ans. Ce récit, vous pouvez le lire ici. Si vous le souhaitez.

Mon récit a suscité de nombreuses réactions sur Twitter. Dont celles d'internautes qui m'ont fait part de leurs propres souvenirs. Qui un grand-père, qui un arrière-grand-père qui a vécu l'enfer de la « Der des ders » et qui est quand même revenu. Ce qui a permis la transmission du souvenir dans la mémoire familiale. Aujourd'hui, nous sommes sans aucun doute nombreux à savoir qu'un de nos ancêtres a été « poilu ». Parfois, nous savons assez de choses pour avoir un souvenir familial assez précis. D'autres fois, nous en savons peu, et le souvenir que nous avons se présente comme une ombre floue, aux contours imprécis, nimbée dans un brouillard bleuâtre – le brouillard de l'histoire, de la mémoire. En témoigne ce texte de Claire Placial, rédigé et publié quelques heures après m'avoir lu. « Tout ce que je sais de “pépère François”, écrit-elle, c’est le souvenir qu’a ma mère de son silence. » Lisez son récit. Il est simple, beau, touchant, et nous parle de nos mémoires.

Entre mémoire et oubli, voilà où sont les « poilus » aujourd'hui. Et cela m'a paru intéressant. On sait, à travers l'abondante littérature sur les combattants de la Grande Guerre depuis près d'un siècle – car elle a commencé sitôt la guerre finie –, à quoi ressemblaient nos poilus. Qui ils étaient, ce qu'ils ont vécu, et comment. On sait la vérité, on sait la mythologie. Mais on sait moins à quoi les « poilus » ressemblent dans nos mémoires d'aujourd'hui. Quels noms, quels visages, quels traits de caractères, quelles histoires, quelles pensées nous leur connaissons à travers nos souvenirs. Qui sont-ils en nous ? En nous, hommes et femmes de 2013 – et bientôt 2014 ?

Ces souvenirs, avec leurs traits précis comme avec leurs lacunes, me sont apparus intéressants, précieux. Et c'est peut-être lors de cette année 2014 que nous pouvons le mieux les recueillir. Alors l'idée m'est venue, soudain, de lancer une sorte d'« appel à témoignages », toujours sur Twitter.
Voici l'idée : vous avez un grand-père ou un arrière-grand-père – tout autre lien de parenté est évidemment pertinent – qui a combattu pendant la « guerre de 14 », que ce soit du côté français ou du côté allemand – ou de tout autre pays ; cet homme a transmis ses souvenirs à ses enfants, petits-enfants, etc. ; vous l'avez connu, ou pas, mais vous en savez des choses. Il fait partie de votre mémoire familiale. Vous avez connaissance de faits, d'anecdotes, de liens familiaux.

Couchez tout cela par écrit. Écrivez un texte simple, spontané pour raconter ce que vous savez de lui. Ne faites pas œuvre d'historien, ne cherchez pas à le faire. Parlez-en en famille si vous le souhaitez, pour rafraîchir ou compléter un peu votre mémoire, mais ne faites pas de grandes enquêtes. C'est votre souvenir, le souvenir de votre famille, sur un temps long, un temps d'un siècle, qui compte. Laissez courir votre plume, le plus simplement du monde.
N'envoyez pas ce texte sur Twitter ni via un commentaire de ce blog. Envoyez-le à l'adresse souvenirs19142014 [at] gmail.com. Je m'engage à le publier sur ce blog. Chaque récit fera l'objet d'un billet.

Vous pouvez, si vous le souhaitez, envoyer quelques images : une photo, le scan d'un document ou d'un souvenir, mais ce n'est pas obligatoire du tout. Envoyez quelques renseignements sur votre « poilu » (ou soldat allemand) : son nom, son lieu et sa date de naissance, son âge, son métier, son lieu de vie, sa vie après la guerre, sa mort, etc. S'il y a des choses que vous ne savez pas (son année de naissance, par exemple), précisez-le : c'est intéressant. Si vous le souhaitez, joignez également quelques informations sur vous : votre nom (prénom et/ou nom), votre âge, votre lieu de vie, etc. C'est sans obligation, mais ça me paraît très intéressant. L'idée est de situer le cheminement du souvenir de 1914 à 2014. D'où le nom de ce blog.

Quelques mots sur moi et sur ma démarche : je suis un journaliste secrétaire de rédaction, j'ai 39 ans, et cette idée est gratuite et spontanée. Je ne suis ni historien, ni ethnographe. Je ne traiterai pas les textes et les informations que vous m'enverrez. Ni en historien, ni en ethnographe, ni même en journaliste. Je me contenterai simplement de corriger les fautes d'orthographe ou de frappe de vos textes – c'est une partie de mon métier. Mais pas plus. Votre texte sera publié brut, précédé simplement de quelques lignes de présentation. Ma démarche est personnelle, je la fais en tant que simple citoyen. Aucune exploitation commerciale n'aura lieu : ce blog est gratuit et le restera, il n'y aura jamais une seule ligne de pub. Je respecterai scrupuleusement toute information que vous souhaitez confidentielle.

Ensemble, faisons vivre encore un peu la mémoire de nos « soldats de 14 ». Pour eux, pour nous et pour nos enfants.

George Kaplan (@monsieurkaplan)


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